9

L’été fut pour eux une longue lune de miel. Ils faisaient la grasse matinée jusqu’à dix heures, ils allaient se baigner dans Canton Lake et, au crépuscule, ils musardaient sur la balancelle jaune de la véranda. Ils ne cultivaient même pas la propriété. Mais en juillet, ils disposèrent des tables dans la cour pour un repas en plein air auquel participa la bande des Dalton au grand complet  – Bob, Eugenia, Julia et moi, Doolin, Broadwell et Powers, Bitter Creek Newcomb et son compère Charlie Pierce, Blackface Charley Bryant, qui s’était présenté avec Miss Jean Thorne, et Amos Burton, le cow-boy noir, accompagné de trois prostituées de Dover qui, après avoir déjeuné sur la véranda de derrière, s’enfoncèrent dans l’ombre des pommiers sauvages avec les amateurs.

Comme les serpents à sonnette pullulaient dans la région, Newcomb et Broadwell ont rentré leur pantalon dans leurs bottes et ont écumé les ravines asséchées, les sols brûlés et les éboulis dans les collines avec des bâtons fourchus et des sacs en toile ; ils sont revenus vers deux heures de l’après-midi avec une douzaine de reptiles encore vivants que Broadwell a brandis au-dessus du billot pour qu’ils se débattent et tirent la langue, avant de les décapiter à la hachette. Powers les a dépiautés, Doolin les a fait griller et nous les avons mangés avec des œufs brouillés et des framboises sur des biscuits. Lorsque le soleil n’a plus été qu’une lueur dans le feuillage des arbres et que nos ombres noires ont commencé à s’allonger sur l’herbe, Eugenia s’est mise debout au bout de la table et a levé son verre de thé tiède.

« Au banditisme ! » a-t-elle proclamé.

Newcomb et Pierce sont allés s’entraîner à sauter en selle depuis le toit en tôle de la remise. Broadwell, écarlate et ahanant, et Doolin, hilare, avec son rire bizarre  – « Hayuk, hayuk, hayuk ! »  – ont fait un bras de fer dont l’enjeu était d’écraser le poing du perdant dans une assiette de beurre. Et Julia a prêté l’oreille à Bill Powers le gentleman, qui résinait son archet face à elle.

« Mes tomates ont été calcinées par le soleil, cette année, a-t-il expliqué. Mes plants de maïs ont bruni et se sont décomposés avant d’arriver à hauteur de genou. J’ai coupé la tête de treize crotales qui rôdaient près des cabinets. Je ne me déplaçais jamais sans ma binette et j’étais bien content de ne m’être jamais marié. Il fait trop sec dans l’Ouest pour jardiner. »

Julia paraissait d’autant plus distinguée en si fruste compagnie. Elle avait une ombrelle sous laquelle elle s’est abritée pendant le plus clair de cette torride après-midi et elle avait soin de soulever le bas de sa robe quand elle marchait dans l’herbe. Mon frère et moi avons joué aux dames à table et Julia est demeurée assise à côté de moi en silence, pendant qu’Eugenia la croquait en train de s’éventer avec un exemplaire du magazine Womans Home Companion (« Le Compagnon de la ménagère »). Comme je lui prenais un pion et arrivais à dames, Bob s’est penché pour examiner le carnet de dessin de Miss Moore.

« C’est très réussi », a-t-il commenté.

Eugenia a essuyé sur un pan de sa chemise le fusain qu’elle avait sur les doigts.

« Julia est facile à dessiner, a-t-elle affirmé. Elle peut rester si longtemps sans bouger. La plupart des gens souffrent de la danse de Saint-Guy.

— Ça lui est passé quand elle était plus jeune, ai-je expliqué.

— Tu sais, Julia, c’est vraiment remarquable, a déclaré Bob. Comment tu t’y es prise pour devenir adulte si vite ?

— Tu me taquines, pas vrai ?

— Non ! Je t’assure, tu es en avance de dix ans sur moi.

— Tu es vraiment très mûre », a renchéri Miss Moore.

Julia s’est tournée vers moi.

« Ils se moquent de moi, hein ?

— Non, je pense qu’ils sont sincères. »

Elle a timidement souri à Miss Moore.

« Je peux être effroyablement sainte-nitouche, parfois. »

Puis la nuit est venue, tout le monde s’est séparé et Charlie Pierce a raccompagné Julia chez elle à bord d’un cabriolet qu’il avait acheté à quelqu’un au Kansas.

Blackface Charley Bryant avait loué une Victoria pour emmener Miss Jean Thorne et j’ai ainsi débarqué à l’hôtel Rock Island à l’issue d’un trajet inconfortable à l’arrière de la voiture, à battre des pieds au-dessus de la route, pendant que Bryant conduisait sur la banquette avant, voûté, le col de chemise rabattu pardessus sa cicatrice. Il l’avait crépie de poudre de riz, ce qui lui conférait un teint crayeux. Un vilain chancre lui déformait la lèvre.

Il était dix heures du soir quand nous avons attaché l’attelage à Hennessey. Des ballons en papier en forme d’ânes étaient accrochés à la barre d’attache. Des torches de signalisation ferroviaire crachotaient et crépitaient dans la rue et des représentants de commerce qui s’étaient retrouvés à l’hôtel Rock Island se les lançaient les uns aux autres. Des cheminots les observaient, debout, les mains dans les poches de leur salopette. Bryant est allé s’asseoir sur un banc à la gare avec Miss Thorne et je me suis installé dans un fauteuil en chintz dans le salon de l’hôtel pour lire les journaux.

Un grand type blond en pantalon et veste à fines rayures couleur craie est sorti de sa chambre et a verrouillé la porte. Les manches de sa chemise blanche étaient retroussées et il avait sur la tête un épi qu’il avait tenté d’aplatir avec de l’eau. Il devait peser dans les quatre-vingt-dix kilos. Il a demandé à Mr Thorne le registre et a noté tous les noms dans un calepin. Il m’a montré du doigt.

« Et lui, qui c’est ? »

Thorne a répondu qu’il n’en savait rien. Le marshal s’est campé au milieu du tapis du salon, les mains dans les poches.

« Comment tu t’appelles ? » m’a-t-il apostrophé.

Je lisais un article à propos d’un garçon de ferme de Tulsa qui était capable de balancer des balles plongeantes au base-ball.

« Charlie McLaughlin, ai-je salué. Bonne journée ?»

Il a dédaigné ma question.

« D’où tu es ?

— Libéral, au Kansas, vous connaissez ?

— J’étais le marshal de Woodsdale à l’époque où Libéral et Hugoton étaient en bisbille pour devenir le chef-lieu du comté de Stevens.

— Effectivement, c’est tout près. »

Il a consulté son calepin.

« Comment ça se fait que tu sois pas dans le registre ?

— Je suis juste venu lire les journaux. »

J’ai replié celui que j’avais entre les mains et regagné la rue.

J’ai aperçu Bryant qui était assis, seul, sur un tas de traverses de chemin de fer, tandis que derrière lui, des serre-freins marchaient sur le toit de wagons de marchandises et tournaient les volants de freinage. Je ne lui ai pas demandé pourquoi Miss Thorne n’était plus avec lui. Je l’ai seulement informé de la présence en ville du marshal adjoint Ed Short et lui ai recommandé de se trouver un autre point de chute. Il prit donc la direction de Mulhall, à l’est, où son frère Jim possédait une propriété, mais un type n’avait de cesse de passer et repasser devant la maison à longueur de journée, au pas sur son cheval, et Bryant en déduisit que ce devait être un détective, aussi repartit-il et élut-il domicile au camp de vachers de Buffalo Springs jusqu’à la fin juillet.

Le sieur Short était un mercenaire engagé sur des fonds fédéraux par le marshal en chef William Grimes pour appliquer la loi dans le second district judiciaire. Short avait chaussé ses lunettes et parcouru les dossiers des hors-la-loi locaux que tenait à jour au tribunal de Guthrie un marshal adjoint dénommé Christian Madsen, et il avait reconnu en un cow-boy du Texas du nom de Blackface Charley Bryant l’un des bandits de Wharton décrits par le chauffeur et le mécanicien du Santa Fe-Texas Express. Short avait donc loué un bureau à Hennessey et pris une chambre à l’hôtel Rock Island, où un client de passage lui avait raconté que vivait la bonne amie de Bryant, et il allait régulièrement observer à la jumelle, juché sur son cheval, en bordure de terrain, le bâtiment blanc d’un étage appartenant à celle qui, d’après ses renseignements, était Daisy Bryant, la sœur de l’homme qu’il recherchait. Apparemment, il ne repéra jamais mon frère. Bob avait le chic pour ce genre de truc.

 

 

À partir d’août, à l’abri, notre ordinaire s’était agrémenté de légumes sauvages et de veau égaré. Le soir, Doolin et moi allions pêcher des poissons-chats avec des cannes en bambou au bord de la rivière pendant que, autour d’un feu de camp, les autres faisaient tourner de main en main une cruche d’alcool et tapaient en rythme sur leurs genoux avec des cuillères pendant que Powers jouait du violon. Je n’ai effectué qu’une visite chez Julia, un samedi après-midi où nous n’avons rien fait, car c’était tout ce qui était dans mes moyens. Elle portait une robe jaune avec un col de dentelle ; nous nous sommes amusés à lancer des pelotes de laine sur les camées du piano. J’ai réussi à planter un couteau dans un arbre à trois mètres de distance et je me suis assis dans la terre aux pieds de Julia qui, perchée sur le siège de la balançoire, m’a mouillé les cheveux et m’a fait la raie au milieu. Elle m’a questionné à propos de Miss Moore, mais elle lui en voulait encore. Julia avait le sentiment qu’elle me dévoyait. J’avais dix-neuf ans ; elle en avait dix-huit.

Bryant avait une mine affreuse. Il avait les yeux verdâtres, le teint jaunâtre et il n’arrivait pas à garder un repas dans l’estomac. Chaque fois que je le voyais, il avait un gant sur le visage, les mains sur l’entrejambe et se berçait de droite et de gauche sur sa couche. La maladie lui rongeait le cerveau : il lui arrivait de bouder sous un arbre, la bouche tordue comme s’il vociférait à l’adresse de railleurs dans son propre saloon privé ; soudain, il se relevait d’un bond, se précipitait au soleil en distribuant des coups de poing à toute volée, avant de retourner s’asseoir et de reproduire encore et encore l’échauffourée jusqu’à ce que Pierce ou Powers le secoue.

Le 1er août, il partit pour Mulhall, où résidait le médecin de son frère, avec une flasque de whisky corsé comme du Tabasco dans sa chemise, les jambes ficelées à sa selle. Mais il s’évanouit et faillit s’étouffer avec son vomi avant de parvenir à éperonner sa monture jusqu’à la véranda en bois de l’hôtel Rock Island à Hennessey, où il dut appeler pour qu’on vienne le chercher.

On le transporta jusqu’à une chambre à l’étage, où Miss Thorne lui fit sa toilette. Puis, pendant qu’un médecin de la ville s’occupait de Bryant, elle gagna, de l’autre côté de la rue, un bureau qui avait été celui d’un avocat, où, à la lueur d’une lampe à pétrole, Ed Short démontait son revolver sur une serviette à carreaux étalée sur sa table de travail. Il leva les yeux vers la femme sur le pas de la porte.

« Il est là », annonça Miss Jean Thorne.

Le lendemain matin, elle entra dans la chambre de Bryant avec son petit déjeuner sur un plateau recouvert d’un torchon blanc. Charley était étendu sur le dos, sa Winchester contre la jambe, sur les couvertures. Seuls ses yeux bougeaient.

« Je ne crois pas être en état de manger », dit-il.

Elle déposa le plateau sur la commode et laissa la porte ouverte, puis le marshal fédéral adjoint Ed Short apparut sur le seuil, en costume noir, dissimulant un pistolet sous le chapeau gris qu’il tenait à la main.

« En route pour Wichita, Charley », lâcha-t-il.

Short confisqua la Winchester et fourra dans la poche de sa veste le six-coups de Bryant. Il autorisa le hors-la-loi à se servir du bassin et à se laver dans la cuvette, puis le menotta et poussa un Bryant claudicant dans le couloir où la femme de chambre enceinte nettoyait le noir de fumée au plafond. Short et son prisonnier passèrent la nuit dans le bureau du marshal adjoint à manger des gésiers de poulets et à jouer aux cartes. Enfin, dans l’après-midi du 3 août, une foule les suivit jusqu’à la gare de Hennessey et demeura plantée derrière eux pendant qu’ils attendaient sur un banc un train à destination du nord. Un grand type à l’expression fixe affirma à Short qu’il avait ouï dire que les Dalton allaient risquer une tentative de sauvetage désespérée.

« Qu’ils essayent ! » répliqua Short.

Peu après, le train s’était présenté en haletant et ils avaient gagné leurs places dans l’une des voitures.

Durant l’arrêt suivant, à Enid, Bryant émit le souhait de fumer et ils allèrent s’installer à l’avant, dans la voiture fumeurs, où Short roula deux cigarettes  – une pour Bryant, une pour lui  –, puis considéra les fumeurs dans les fauteuils autour d’eux, avec leurs moustaches en guidon de vélo, en costume sombre et chapeau melon, qui lisaient les journaux ou la Bible. L’un d’eux ouvrit sa montre de gousset, la referma avec un claquement. Les voitures se remirent en branle en s’entrechoquant et la fumée de tabac s’étira en direction du haut des fenêtres ouvertes où le vent la happa. Tout le monde lorgnait Bryant, qui devait lever ses deux mains menottées pour ôter sa cigarette de sa bouche.

« Ils me reluquent, grogna Bryant en relevant le col de sa chemise.

— C’est parce qu’ils n’ont jamais vu de meurtrier.

— C’est qu’une excuse. Ils guignent ma cicatrice. »

Il avait parlé si fort que tous les curieux se détournèrent.

Une fois qu’ils eurent terminé, Short écrasa leurs mégots sur le sol et ordonna à Bryant de se lever. Ils traversèrent en tanguant deux voitures Pullman oscillantes et leurs plates-formes jusqu’au fourgon à bagages, dont Short martela la porte du poing.

« Tu seras moins incommodé, ici », expliqua-t-il.

Le guichet s’ouvrit, se referma, la porte coulissa et le marshal adjoint poussa son prisonnier à l’intérieur. Le bagagiste chauve, en pantalon à bretelles et en sous-vêtements longs jaunis et maculés de taches de nourriture au voisinage des boutons, se rassit sur une chaise près d’une malle. Une barbe de deux centimètres et demi lui courait le long de la mâchoire.

Short lui tendit son propre revolver.

« J’ai laissé son fusil dans la voiture passagers. Tu peux le surveiller pendant que je vais le récupérer ?

— Va, Ed, de toute façon, je faisais pas grand-chose. »

L’employé des chemins de fer remisa l’arme dans un casier à courrier au-dessus de lui. Bryant s’assit sur une caisse, les mains entre les genoux. Il se balançait tranquillement, bercé par le roulis du train. Lorsqu’il se concentrait, il n’était pas zinzin du tout.

« Cette cicatrice remonte à quand j’avais quatre ans, confia-t-il au cheminot. Je dormais trop près du poêle et ma mère a trébuché sur moi un matin. »

Le bagagiste lui lança un coup d’œil.

« Ça se remarque à peine », assura-t-il.

Il coupa avec une pince un morceau de barbelé qu’il agrafa sur une planche.

« C’est un hobby, c’est ça ? demanda Charley.

— Ma collection de barbelé.

— Je parie que tu dois avoir des tas de spécimens, vu comme tu voyages. »

L’employé de chemin de fer tourna vers Bryant une planche sur laquelle étaient fixés douze tronçons de fil de fer.

« T’es un ancien cow-boy ? » se renseigna-t-il.

Bryant plissa les yeux.

« Celui du haut, c’est du Kelly avec des barbes en crampon.

— Breveté en 1868. Et celui-là ?»

Bryant se leva et s’approcha.

« Bah, c’est que du Glidden à deux fils.

— Quand est-ce qu’il a été breveté ?

— Comment je le saurais ?

— Moi, je le sais. 1874. Je suis un érudit en la matière.

— Le dernier me dit que dalle. »

Le bagagiste baissa les yeux.

« Celui-là ? C’est du A. Ellwood écarté. »

Bryant donna un coup de pied dans la planche et s’empara du pistolet de Short dans le casier. Il arma le chien et s’écroula sur la malle. Il ahanait après ces quelques mouvements.

« Bouge pas. Continue à faire ce que tu faisais. Pour l’instant, j’ai aucune raison de te faire du mal.

— Pourtant, je le mériterais, vu comme j’ai été stupide. »

Bryant s’efforça de reprendre son souffle et s’essuya le visage sur l’intérieur de sa manche.

« J’aurais pas deviné que t’étais aussi moribond, fit le cheminot.

— Je suis aussi mal en point qu’on peut l’être sans avoir d’asticots dans les trous de nez. Tous les matins, je suis surpris de me réveiller en vie. C’est pour ça que j’ai besoin de ce flingue. J’en peux plus de languir.

— Un dernier rodéo, c’est ça ?»

Pendant ce temps-là, Short se frayait un chemin à travers le train, la Winchester de Bryant à la main. Un porteur noir se tenait sur la plate-forme entre la voiture Pullman et le fourgon à bagages, un escabeau en appui sur le genou. Short retira son chapeau et se pencha sur le côté du train. Le courant d’air aplatit ses cheveux blonds sur son crâne.

« Quel est le prochain arrêt ? s’informa-t-il.

— Waukomis, dans deux minutes à peu près. »

Blackface Charley Bryant entendit la voix de Short et ouvrit brusquement la porte du fourgon à bagages en brandissant le revolver du marshal adjoint.

« Tu devrais voir ta tronche, Short ! » ironisa-t-il.

Short foudroya Bryant du regard, puis redressa le canon de la Winchester qu’il tenait à hauteur de hanche et fit feu comme Charley pressait la détente du pistolet. Le bruit fut semblable à deux portes qui claquent et l’air vira au bleu. Bryant fut projeté contre le chambranle en acier de la porte ; Short vacilla en arrière avec un trou noir dans son gilet, qu’il épousseta comme pour se débarrasser de miettes de nourriture. Charley grimaça, commença à s’affaisser. Le marshal adjoint tira à nouveau et Bryant tomba assis par terre.

Il vit ses jambes agitées de soubresauts et une tache d’urine s’épanouir sur son pantalon, mais il avait l’échine brisée et la moelle épinière sectionnée : la douleur n’était guère plus forte qu’une brûlure d’estomac. Il ferma les yeux, abaissa son arme et Short crut qu’il était mort. Le marshal adjoint s’agrippa à la rambarde, le gilet imprégné de sang, et discerna, à moins de cinq cents mètres de distance, la gare et des femmes en robe à tournure sur le quai. Il s’écarta du garde-corps pour traîner son prisonnier hors de la vue de ces dames qu’il voulait ménager, mais avant qu’il n’ait pu faire un demi-mètre, Bryant braqua à nouveau son pistolet sur lui, brûla cinq cartouches et fît encore cliqueter le chien à trois reprises avant de laisser retomber l’arme sur ses jambes.

Short heurta la porte de la voiture Pullman sous l’effet des impacts et fut touché au poumon, au rein, au foie et à la rate. La fumée tourbillonna entre les wagons, puis fut aspirée sur les côtés comme les roues crissaient sur les rails sous l’action des freins. Le porteur et le chef de train étaient recroquevillés contre la paroi de la voiture Pullman et les passagers accroupis sur le sol. Le bagagiste ouvrit en grand la porte du fourgon à bagages, arracha le revolver de la main de Bryant, le tira par le col de la chemise et le roua de coups de pied jusqu’à ce que la tête de Charley roule mollement.

« Espèce de salaud ! Espèce de salaud ! » cria-t-il.

Avec effort, Short franchit les quelques pas qui le séparaient du fourgon à bagages. (Je n’ai jamais entendu parler d’un bonhomme aussi solide.) Tout le devant de son costume était en sang.

« Étendons-le sur cette malle », préconisa-t-il.

Le bagagiste le dévisagea, incrédule. Short empoigna Blackface Charley Bryant par les chevilles, le bagagiste l’attrapa par les épaules et ils soulevèrent le cadavre. Charley avait les yeux fermés et du sang s’écoulait de sa bouche comme de la bave.

« Je me sens un peu dans les vapes », déclara Short.

Il s’assit sur le plancher, s’appuya sur un coude, puis s’affala contre la malle. Il ferma les yeux.

« Tu t’es déjà couché sur un matelas en plumes après avoir chevauché pendant deux jours à toute allure sans dormir ?» murmura-t-il.

Lorsque le train fit halte à Waukomis, il était mort.

Le sang des Dalton
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